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Ce que nous apprennent les cris de chauve-souris

Comme on le sait tous, les chauves-souris ont la particularité de chasser la nuit. Cela leur évite la concurrence d’autres insectivores, comme les oiseaux par exemple. Voler la nuit permet également de bénéficier de températures plus fraîches limitant ainsi la surchauffe corporelle liée au vol.

Pour chasser et se repérer sans lumière, les chiroptères ont acquis une aptitude surprenante : l’écholocation ou sonar. Ce système ressemble à celui d’un radar : les chauves-souris émettent des sons qui sont renvoyés par les objets sous la forme d’un écho. Avec cet écho, les chauves-souris se constituent une image mentale de leur environnement tout comme nous le faisons grâce à nos yeux recevant la lumière réfléchie par les objets qui nous entourent.

Les sons utilisés par les chauves-souris sont des ultra-sons, c'est-à-dire qu’ils sont trop aigus pour que l’oreille humaine les entende. L’écholocation suppose ainsi une acuité auditive hors du commun. Les chauves-souris ont d’ailleurs de très grandes oreilles par rapport à la taille de leur tête.

A chacun son cri !

Les espèces de chauves-souris se différencient les unes des autres par les proies qu'elles capturent, par leur physiologie et par leur comportement. Et pour s’adapter à ces besoins, chaque espèce a développé un sonar qui lui est propre. C’est ainsi que la plupart des espèces européennes peuvent être identifiées par leurs cris ; c’est d’ailleurs de cette manière que l’on procède dans Vigie-Chiro… Si vous avez un trou de mémoire sur ce protocole, jetez à un œil à notre vidéo de présentation !

Charlotte Roermer, qui prépare une thèse dans notre laboratoire d’écologie, s’est demandée dans quelle mesure le sonar (et les cris des chauves-souris) et le comportement sont liés ?

La méthodologie retenue

Pour répondre à cette question, les hauteurs et trajectoires de vol de plus de 20 espèces de chauves-souris ont été enregistrés grâce à un suivi acoustique. Le premier ensemble d'observations a été effectué pendant un à six mois sur plus de 20 pylônes (des mâts de mesure de vent pour être précis). Cette première étude a fourni des informations sur la proportion de temps passé par les différentes espèces de chauves-souris au-dessus de 25 m. Ces données ont permis de classer les chauves-souris selon qu’elles volent à basse ou haute altitude.

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Ce graphique représente le pourcentage moyen de temps passé en altitude par 19 espèces de chauves-souris. Les barres noires encadrant les points représentent les variations observées (par exemple, la grande Noctule passe en moyenne 92 % de son temps en altitude mais on a observé des variations importantes allant de 3% à 100% de son temps). © Vigie-Chiro | C.Roermer

Les résultats obtenus

Avec ces données, Charlotte a ensuite essayé de voir si l’altitude de vol pouvait être liée aux caractéristiques des cris d’écholocation de la chauve-souris. Son étude révèle que la fréquence du cri (la mesure pour différencier un son aigu d’un son grave) est le meilleur prédicteur de la hauteur de vol.

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Ce graphique représente la proportion de temps passé en altitude en fonction de la fréquence dominante du cri de la chauve-souris (chaque point représente une espèce de chiroptères). © Vigie-Chiro | C.Roermer

Ce graphique montre que les chauves-souris volant en altitude utilisent des fréquences plus basses que celles volant plus proche du sol.

Ce résultat s’explique car les basses fréquences, contrairement aux hautes fréquences, s’atténuent beaucoup moins rapidement avec la distance. En émettant des cris graves, certaines espèces de chauves-souris perçoivent donc le paysage qui les entoure de loin (beaucoup plus que si elles émettaient des cris aigus). Par contre, celles émettant des cris aigus (à hautes fréquences) auront plus des détails et de précisions sur les proies et les obstacles de leur environnement… ce qui est très pratique quand on vole rapidement proche du sol ! Tout est donc une question d’adaptation à ses besoins !