Newsletter #32
Les pollinisateurs et la ville

Une pomme, un concombre, une marguerite. Voilà trois plantes a priori bien différentes, qui pourtant ont un point commun : toutes trois dépendent des pollinisateurs. Ces derniers sont mis en danger par la pollution et l’étalement des villes. Pour mieux comprendre l’impact des activités humaines sur les pollinisateurs, les scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle ont mis au point un programme participatif baptisé SPIPOLL (Suivi Photographique des Insectes POLLlinisateurs). Ce programme auquel participent des élèves et des amateurs de tout le territoire, a permis de dégager des enjeux clés pour la sauvegarde des insectes.

Commençons par le début, c'est quoi un pollinisateur ?

Les pollinisateurs sont des animaux indispensables à la reproduction de la majorité des plantes à fleurs, comme par exemple les pommiers, les plants de tomates ou encore les pâquerettes. En se nourrissant du nectar, le corps des insectes se frottent aux étamines des fleurs : c’est la partie de la fleur qui contient le pollen, c’est-à-dire les cellules reproductrices mâles de ces plantes. En butinant les fleurs aux alentours, les pollinisateurs transportent et déposent involontairement le pollen dans d’autres fleurs. Ils permettent ainsi la pollinisation et finalement, la transformation des fleurs en fruits.

Les pollinisateurs les plus connus sont les abeilles, mais de nombreux autres insectes sont aussi indispensables : il y a par exemple les papillons, les guêpes, les scarabées, les mouches... De plus, il existe, en France, près de 1 000 espèces d’abeilles, dont la plupart sont sauvages, contrairement à la plus connue : l’abeille domestique (Apis mellifera) qui produit le miel. Il en va de même pour les papillons, avec plus de 250 espèces sur le territoire par exemple. C’est donc une immense diversité de pollinisateurs que l’on peut rencontrer.

© Aurore (mâle) « Anthocharis cardamines », Mouche à damier « Sarcophaga » et Andrènes rayées « Andrenidae», photographies de mathieu.opie, Spipoll

© Aurore (mâle) « Anthocharis cardamines », Mouche à damier « Sarcophaga » et Andrènes rayées « Andrenidae», photographies de mathieu.opie, Spipoll

 

Et, d'après les chiffres de l'ONU, sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90% de la nourriture dans le monde, 70% dépendent des pollinisateurs. En règle générale, plus de 80% des plantes à fleurs dépendent directement des pollinisateurs. Les insectes sont donc indispensables à la biodiversité ! Pourtant, malgré leur importance, les pollinisateurs sont en danger…

 

Les pollinisateurs en danger

On observe un déclin massif des pollinisateurs. Concernant l’abeille, les apiculteurs s’alarment depuis vingt ans vis-à-vis de l’effondrement du nombre de colonies. D’après l’Union nationale de l’apiculture française, rien qu’en Bretagne, 20 000 colonies d’abeilles seraient mortes en hiver 2017.
Mais les abeilles domestiques ne sont pas les seuls pollinisateurs touchés : une étude allemande de 2017 a montré que 76 % des insectes volants ont disparu en 30 ans. « Globalement tous les pollinisateurs sont affectés par les changements globaux » prévient le chercheur de l’étude. On met entre autres en cause les pesticides, comme les néonicotinoïdes, la diminution des ressources florales, mais aussi l’arrivée d’espèces invasives et plus généralement la pollution et l’urbanisation qui recouvrent les sols.

Face à cet inquiétant constat, des réponses… mais pas forcément les bonnes.

Vous l’avez peut être remarqué vous-même, les ruches urbaines poussent comme des champignons. On en installe sur les toits par exemple (on en compte plus de 700 à Paris !). Vouloir sauver l’abeille domestique, cela part d’une bonne intention. Mais au-delà de l’espèce en soi, c’est souvent le « pollinisateur », essentiel à la biodiversité et donc aux hommes aussi, que l’on prétend vouloir sauvegarder.

© Abeille domestique « Apis Mellifera » et Abeille Hylaeus à taches blanches « Hylaeus », photographies de mathieu.opie, Spipoll

© Abeille domestique « Apis Mellifera » et Abeille Hylaeus à taches blanches « Hylaeus », photographies de mathieu.opie, Spipoll
 

Or, certaines ruches peuvent faire de la concurrence aux pollinisateurs sauvages alors que ces derniers auraient une capacité de pollinisation 30 fois supérieure à l’abeille domestique ! L’accent est mis sur les abeilles domestiques, mais elles ne constituent qu’une petite partie de la pollinisation. Colin Fontaine, notre chercheur qui coordonne le Spipoll, précise : « De récentes études ont montré que les pollinisateurs non abeilles (mouches, papillons etc.) contribuent autant à la pollinisation des cultures. Ces derniers emportent moins de pollen après passage sur une fleur, mais cela est compensé par un plus grand nombre de visite. »