Newsletter #34
BirdLab est de retour, à vos tablettes et smartphones !

La nouvelle saison de BirdLab commence du 16 nombre jusqu'à la fin du mois de mars 2020. Pour ceux qui auraient oublié, le programme BirdLab a pour but d'étudier le comportement des oiseaux communs en hiver lors de leur passage sur des mangeoires. Dans cette application, élèves, enseignants et particuliers sont invités à reproduire en temps réel sur un smartphone ou une tablette les mouvements des oiseaux sur deux mangeoires pendant 5 minutes.

Un protocole qui standardise la collecte de données

Pour participer, c’est simple !

BirdLab protocole

Le but du jeu est de reproduire sur son écran, pendant 5 minutes - et pas une de plus - les allers-venues des oiseaux sur deux mangeoires identiques. Pourquoi deux ? Pour voir, par exemple, si la présence d’un individu sur la première va pousser un autre individu à se poser sur la seconde, s’il va le rejoindre ou carrément sauter son repas.

Les deux mangeoires doivent être accessibles de la même manière aux oiseaux : évitez la proximité des branches ou des buissons pour une seule des mangeoires. Pour alimenter vos mangeoires, nous vous conseillons de vous procurer des graines de tournesol et de les disposer en abondance sur les plateaux. Elles sont économiques et très appréciées des oiseaux. Attention, pour ne pas modifier le comportement des oiseaux, les deux mangeoires doivent proposer la même source de nourriture.

« S’il y a toutes ces règles et consignes dans la mise en place du protocole, c’est pour que tout le monde puisse observer dans les mêmes conditions », explique François Chiron, l’un des deux chercheurs travaillant actuellement sur les données du jeu. L’objectif est de standardiser la collecte des données pour pouvoir comparer les parties entres elles.

Le cas de la Perruche à collier

Depuis l’intégration de la perruche il y a deux ans dans notre jeu BirdLab, de nombreux participants ont pu signaler sa présence et décrire son comportement sur les mangeoires. Nicolas Deguines, post-doctorant dans l’équipe Vigie-Nature, a passé plusieurs mois à analyser les données collectées.

La répartition des perruches sur le territoire français ?

Sur les 770 paires de mangeoires enregistrées dans le jeu depuis l’hiver 2017/2018, 31 mentionnent la perruche à collier (les points verts sur la carte). Ces mangeoires se trouvent surtout dans les agglomérations, mais pas forcément dans des milieux urbains très denses, plutôt dans les zones végétalisées. Ce qui est cohérent quand on sait que l’espèce niche dans les troncs d’arbres des grands parcs.

 

carte

Distribution en France des stations BirdLab (les points verts représentent les mangeoires fréquentées par des perruches (n=31), les points bleus (n=739) représentent les autres mangeoires).

 

Les Perruches à collier influencent-elles la présence d’autres espèces d’oiseaux ?

Le premier constat est le suivant : en présence de la perruche, le temps cumulé passé sur les mangeoires par toutes ces petites espèces est diminué de 80 secondes en moyenne, sur les 5 minutes que dure une partie. Pour savoir si cet effet est spécifique à la perruche, nous avons regardé ce qui se passe en présence d’autres espèces du même gabarit et au tempérament similaire. Nous avons choisi la Tourterelle turque et la Pie bavarde, observées sur les mangeoires fréquentées par les perruches et sur d’autres présentes dans un rayon de 10km. Résultat, ces deux gros oiseaux produisent un effet semblable sur les petits.

graphique

La figure ci-dessus montre la différence moyenne d’occupation (en secondes) d’une station (=paire de mangeoires) par les petites espèces au cours d’une partie lorsque l’une des « grosses » espèces est présente. Le trait correspond à l’intervalle de confiance à 95%.

Après le temps de présence, nous avons regardé le nombre de petites espèces se rendant aux mangeoires en présence de ces trois oiseaux. La tourterelle en particulier semble faire diminuer cette richesse un peu plus que les deux autres.

graphique

La figure suivante montre les changements moyens du nombre de petites espèces au cours d’une partie du fait de la présence de 3 « grosses » espèces. Le trait correspond à l’intervalle de confiance à 95%.

 

Comment interpréter ces résultats à première vue contradictoires ?
En regardant les résultats par espèces de petits passereaux on s’aperçoit que la tourterelle, la pie et la perruche font toutes les trois diminuer la probabilité de présence de certaines espèces comme le rouge-gorge, la mésange charbonnière ou le verdier d’Europe. Mais de manière très spécifique : par exemple la tourterelle fait davantage fuir la mésange charbonnière que la perruche et la pie. Par contre la perruche aura un impact plus fort que les autres sur le rouge-gorge. Seule la mésange bleue semble pâtir tout autant de la perruche, de la tourterelle et de la pie. Le moineau domestique, lui, bénéficie de la présence de ces trois espèces, et de la tourterelle en particulier. Cet ensemble très complexe de réponses spécifiques équilibre globalement les impacts des trois gros oiseaux.

La perruche n’est donc pas si compétitive que cela sur les mangeoires…
Si ces résultats sont encore à affiner avec plus de données, ils montrent que les petites espèces sont certes en concurrence avec la perruche, mais ni plus ni moins qu’avec d’autres oiseaux du même gabarit.
Encore une fois les interactions sont très complexes. A partir de pièges photos sur deux mangeoires placées sur le campus d’Orsay, notre collègue Carmen Bessa-Gomes a pu constater que lorsque les mésanges charbonnières et bleues quittent une mangeoire au moment où arrive la perruche, la mésange bleue est la première à revenir vers les graines. Elle s’octroie ainsi un peu de temps pour manger sans être concurrencée par la charbonnière dont on sait qu’elle peut se montrer agressive. Ces constatations attendent d’être confirmées statistiquement, mais il est tout à fait possible que certaines espèces profitent finalement, même indirectement, de la présence des perruches.