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La laisse de mer nous renseigne sur l'état des fonds marins !
Des fonds marins fortement menacés

Les milieux benthiques (fonds marins) sont des écosystèmes majeurs et très diversifiés. Ils assurent des fonctions essentielles pour la faune et la flore qui s’y développent : zone d’alimentation, de reproduction ou de repos. Aujourd’hui, ces milieux sont fortement menacés par la surexploitation marine, la pollution ou le changement climatique. Une équipe de recherche a publié en 2022 une étude* qui met en avant de nouveaux indicateurs basés sur le suivi de la laisse de mer (La laisse de mer, “ce qui est laissé par la mer”, est l'accumulation de débris naturels ou d'origine anthropique, déposés sur les plages par la marée montante au gré des vagues, de la houle ou des tempêtes) pour surveiller l'état de ses fonds marins et ainsi mieux comprendre la manière dont les activités humaines affectent ces écosystèmes.

 

Surveiller les habitats marins : un véritable défi

La surveillance des fonds marins sur place est très contraignante, et nécessite l’utilisation de hautes technologies comme la robotique. Restreints à un tout petit nombre de personnes, ces outils ont une portée très limitée. Selon l’équipe de recherche, le moyen le plus simple et le plus économique serait d’analyser les algues continuellement déposées sur les plages et qui composent les laisses de mer. En fonction de leur écologie, certaines de ces algues représentent des marqueurs de l’état du milieu marin. Avec le changement climatique et la pollution des eaux, la composition en algues des habitats marins change et donc la composition de la laisse de mer aussi. L’étude évalue donc dans quelle mesure les algues de la laisse de mer pourraient informer sur l'état de la biodiversité de ces écosystèmes.

Les algues non-flottantes reflètent l'état des fond marins proches

L’étude repose sur l'échantillonnage et l'identification des algues des laisses de mer sur 131 sites le long du littoral breton. Sur chaque site, l'échantillonnage consistait en un transect (ligne) de 25 mètres établi sur la laisse de mer la plus fraîche, et le long duquel cinq quadrats de 1 m² séparés de 5 mètres ont été échantillonnés. Puis, la diversité des algues identifiées a été comparée avec les cartes des habitats benthiques issus du Système Européen d’Information sur la Nature. La composition de la laisse de mer repose sur la dérive des algues qui peuvent se produire sur des distances diverses en fonction de la propriété des espèces. Avec le vent, les marées et les courants, des algues flottantes peuvent être transportées sur de grandes distances avant de s’échouer sur les rivages. Certaines espèces peuvent flotter et se déplacer sur des distances supérieures à 200 km ! Les algues ont donc été séparées en deux catégories. Celle des algues flottantes et celle des algues non flottantes. En comparant ces données avec des cartes des habitats des fonds marins, ils ont pu établir que : 

- Les algues flottantes sont bien plus fréquentes que les algues non flottants dans les laisses de mer, c'est-à-dire qu’elles ont plus souvent été retrouvées sur les sites. En revanche, la diversité spécifique (nombre d’espèces) des algues non flottantes est deux fois plus élevée.
 

- La diversité des espèces d’algues non flottantes dans la laisse de mer est en corrélation avec la diversité des habitats benthiques. Cette corrélation est particulièrement forte dans un rayon de 1000 mètres autour des plages. Les taxons d’algues non flottante ont des mouvements limités depuis les fonds marins et les débris une fois échoués fournissent donc des informations sur les habitats marins proches. 

- Inversement, les algues flottantes ne fournissent pas directement des informations sur ces habitats, car elles dérivent sur de longues distances. 

- Les chercheurs ont aussi évalué dans quelle configuration le lien entre la composition de la laisse de mer et les milieux benthiques présents est le meilleur. Ils ont ainsi comparé la composition en algues non flottantes de la laisse de mer sur un site échantillonné (point rouge sur les cartes de la figure 1 ci-dessous) à des surfaces de milieux marins benthiques d’importance et de forme variable (surfaces colorées en A, ,B, C et D de la figure 1). La meilleure correspondance a été obtenue dans la configuration D correspondant à une dispersion des algues sur de courtes distances et en droite ligne des plages sur lesquelles elles échouent.

Fig. 1. Représentation des quatre types de tampons marins considérés : A) rond, B) rond direct, C) droit, et D) droit direct