Newsletter #55
Les perruches à collier sont-elles vraiment néfastes pour d'autres oiseaux ? BirdLab apporte son éclairage.

C'est la fin du programme BirdLab pour cette année qui aura été marquée par des bugs de l'application qui ont rendu difficile son utilisation. Nous espérons vivement que tout reviendra dans l'ordre l'année prochaine suite au travail des développeurs. En attendant et pour clore la saison, cette newsletter présente une étude alimentée par les données de BirdLab qui, souhaitons-le, vous donnera envie de recommencer l'année prochaine !

Dans son jardin ou sur son balcon : observer les oiseaux avec Birdlab

Depuis 2014, le programme de sciences participatives BirdLab  propose au grand public de jouer sur son smartphone afin de comprendre le comportement des oiseaux en hiver (de novembre à mars). Le protocole consiste à installer deux mangeoires identiques dans son jardin et de reproduire, au cours de parties de cinq minutes, les déplacements des oiseaux qui viennent se nourrir. De nombreuses données peuvent ainsi être collectées et compilées grâce à la participation du public. En 2020, après plusieurs hivers de participation, une équipe de chercheurs  publie pour la première fois un article scientifique à partir des données collectées par Birdlab. 

Les perruches monopolisent-elles les mangeoires ?

Originaire des forêts tropicales d’Afrique subsaharienne (de l’ouest à l’est) et du sous-continent indien (depuis le Pakistan jusqu’à la Birmanie), la perruche à collier (Psittacula krameri) a été introduite par l’humain en Europe, probablement accidentellement, à partir du commerce d’oiseaux ou de l’incendie d’une oisellerie. Elle est arrivée en France dans les années 70, probablement à partir de la Belgique ou du Royaume-Uni. En France, elle occupe uniquement les zones urbaines et périurbaines. Elle y a le statut d’espèce exotique envahissante (source : LPO). En tant que nouvelle venue, elle est accusée d’être trop bruyante, de s’attaquer aux vergers et d’être défavorable aux petits passereaux. Au-delà du côté passionnel, ce dernier point résiste-t-il aux arguments scientifiques ? En hiver, les oiseaux sont confrontés à un problème majeur : la diminution des ressources alimentaires (comme les graines et les insectes). Une compétition entre des individus d’espèces différentes ou de la même espèce s’instaure alors pour l’accès à ces ressources. Le nourrissage, qui consiste à disposer une nourriture adaptée dans une mangeoire, aide les oiseaux des jardins dans cette épreuve hivernale. Cependant, cette activité pourrait aussi avoir des effets néfastes sur les communautés d’oiseaux en favorisant certaines espèces exotiques  telles que la perruche à collier au détriment des oiseaux de petite taille. 

Des chercheurs ont ainsi étudié les effets de la présence de cette perruche sur les autres oiseaux pour l’accès aux ressources alimentaires. L’étude s'appuie sur un jeu de données total comprenant 818 sessions sur BirdLab totalisant plus de 68 heures d'observations. Pour mieux comprendre l’effet des perruches sur les autres oiseaux lorsqu’elle occupe la mangeoire, cet effet est comparé à celui d’oiseaux au  gabarit  similaire  comme la tourterelle turque (arrivée en France au XXème siècle) et la pie bavarde (espèce indigène). Les principaux résultats obtenus sont rassemblés dans le tableau suivant. 

Dans un premier temps, les chercheurs se sont intéressés à la durée passée par les petits oiseaux sur les mangeoires en fonction de la présence des perruches (espèce introduite), des tourterelles turques (espèce néo-native, arrivée naturellement en France dans les années 50 à partir de l’Asie mineure où elle aurait été introduite avant 1700)  ou des pie bavardes (espèce native). Les données des participants montrent que ces oiseaux de petite taille (comme les mésanges, moineaux, rouges gorges, etc.) restent moins longtemps sur les mangeoires en présence de la perruche (-43 %) ou de la tourterelle (-33 %) qu’en leur absence. Ensuite, ils ont comparé l'influence de ces gros oiseaux  sur la richesse de la communauté des petits oiseaux, c'est-à-dire la diversité spécifique. À la surprise des chercheurs, la présence de la perruche, comme celle de la pie, ne fait pas diminuer le nombre d’espèces fréquentant les mangeoires, sauf pour le rouge-gorge contrairement à la tourterelle qui fait diminuer la présence sur les mangeoires pour le moineau domestique, la mésange charbonnière et la mésange bleue. 

Grâce à la participation de bénévoles, les chercheurs sont parvenus à montrer que lorsque la perruche utilise les mangeoires, elle ne semble gêner ni plus ni moins que d’autres gros oiseaux l'accès aux ressources alimentaire des petites espèces. Ces résultats inédits nuancent les discours alarmistes sur les effets de cet oiseau exotique qui fait désormais partie intégrante des milieux urbains et périurbains.  

Bibliographie

Nicolas Deguines (b), Romain Lorrilliere (b), Anne Dozières (b), Carmen Bessa-Gomes (a), François Chiron (a), « Any despot at my table ? Competition among native and introduced bird  species at garden birdfeeders in winter , Science of the Total Environment, volume 734, 10 septembre 2020.

(a) Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech, Ecologie Systématique Evolution, 91405, Orsay, France. 

(b) Centre d'écologie et des sciences de la conservation (CESCO), Muséum national d'Histoire naturelle, CNRS, Sorbonne Université, CP 135, 57 rue Cuvier 75005 Paris, France.