Les perruches monopolisent-elles les mangeoires ?
Originaire des forêts tropicales d’Afrique subsaharienne (de l’ouest à l’est) et du sous-continent indien (depuis le Pakistan jusqu’à la Birmanie), la perruche à collier (Psittacula krameri) a été introduite par l’humain en Europe, probablement accidentellement, à partir du commerce d’oiseaux ou de l’incendie d’une oisellerie. Elle est arrivée en France dans les années 70, probablement à partir de la Belgique ou du Royaume-Uni. En France, elle occupe uniquement les zones urbaines et périurbaines. Elle y a le statut d’espèce exotique envahissante (source : LPO). En tant que nouvelle venue, elle est accusée d’être trop bruyante, de s’attaquer aux vergers et d’être défavorable aux petits passereaux. Au-delà du côté passionnel, ce dernier point résiste-t-il aux arguments scientifiques ? En hiver, les oiseaux sont confrontés à un problème majeur : la diminution des ressources alimentaires (comme les graines et les insectes). Une compétition entre des individus d’espèces différentes ou de la même espèce s’instaure alors pour l’accès à ces ressources. Le nourrissage, qui consiste à disposer une nourriture adaptée dans une mangeoire, aide les oiseaux des jardins dans cette épreuve hivernale. Cependant, cette activité pourrait aussi avoir des effets néfastes sur les communautés d’oiseaux en favorisant certaines espèces exotiques telles que la perruche à collier au détriment des oiseaux de petite taille.
Des chercheurs ont ainsi étudié les effets de la présence de cette perruche sur les autres oiseaux pour l’accès aux ressources alimentaires. L’étude s'appuie sur un jeu de données total comprenant 818 sessions sur BirdLab totalisant plus de 68 heures d'observations. Pour mieux comprendre l’effet des perruches sur les autres oiseaux lorsqu’elle occupe la mangeoire, cet effet est comparé à celui d’oiseaux au gabarit similaire comme la tourterelle turque (arrivée en France au XXème siècle) et la pie bavarde (espèce indigène). Les principaux résultats obtenus sont rassemblés dans le tableau suivant.

Dans un premier temps, les chercheurs se sont intéressés à la durée passée par les petits oiseaux sur les mangeoires en fonction de la présence des perruches (espèce introduite), des tourterelles turques (espèce néo-native, arrivée naturellement en France dans les années 50 à partir de l’Asie mineure où elle aurait été introduite avant 1700) ou des pie bavardes (espèce native). Les données des participants montrent que ces oiseaux de petite taille (comme les mésanges, moineaux, rouges gorges, etc.) restent moins longtemps sur les mangeoires en présence de la perruche (-43 %) ou de la tourterelle (-33 %) qu’en leur absence. Ensuite, ils ont comparé l'influence de ces gros oiseaux sur la richesse de la communauté des petits oiseaux, c'est-à-dire la diversité spécifique. À la surprise des chercheurs, la présence de la perruche, comme celle de la pie, ne fait pas diminuer le nombre d’espèces fréquentant les mangeoires, sauf pour le rouge-gorge contrairement à la tourterelle qui fait diminuer la présence sur les mangeoires pour le moineau domestique, la mésange charbonnière et la mésange bleue.
Grâce à la participation de bénévoles, les chercheurs sont parvenus à montrer que lorsque la perruche utilise les mangeoires, elle ne semble gêner ni plus ni moins que d’autres gros oiseaux l'accès aux ressources alimentaire des petites espèces. Ces résultats inédits nuancent les discours alarmistes sur les effets de cet oiseau exotique qui fait désormais partie intégrante des milieux urbains et périurbains.