Newsletter #60
Vigie-Chiro au service de la conservation des chauves-souris

Depuis 2014, Vigie-Nature École prête des enregistreurs à ultrasons à celles et ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure Vigie-Chiro. Nous avons connu cette année quelques soucis dans l’acheminement des enregistreurs : colis perdus, appareils cassés etc. Nous espérons que tous ces problèmes sont derrière nous et qu’ils n’entameront pas votre enthousiasme à l’avenir !

Cette newsletter est un résumé d’un article scientifique de 2023(1) qui montre tout l’intérêt des données renvoyées par les participantes et les participants pour la conservation de ces animaux mal connus. Bonne lecture !

Les chauve-souris en France : quelques informations-clés

En France, on dénombre 34 espèces de chauves-souris (ou Chiroptères), inégalement réparties sur l’ensemble du territoire. Malgré des ressemblances morphologiques et comportementales, on peut déceler de nombreuses différences écologiques majeures entre les espèces, notamment sur leur habitat de prédilection. Par exemple, la Pipistrelle commune peut être observée dans une grande variété de milieux, tandis que la Barbastelle d’Europe est principalement associée au milieu forestier et parfois même au milieu agricole. Le Murin de Daubenton affectionne quant à lui la présence de plans d’eau à proximité de son gite, afin de pouvoir y chasser des petits insectes.

Discrètes, les chauves-souris n’en restent pas moins primordiales dans le fonctionnement des écosystèmes. Plusieurs études mettent en lumière le déclin de ce groupe taxonomique, conséquence des nombreuses pressions humaines qui pèsent sur ces mammifères méconnus du grand public. Les chauves-souris étant de très bonnes espèces indicatrices de l’état des écosystèmes, il est d’autant plus important de s’intéresser à elles, afin de mieux comprendre les menaces auxquelles elles et leurs milieux de vie font face, et ainsi ajuster les mesures de protection et de conservation qui leurs sont dédiées.

Le principe de Vigie-Chiro

C’est dans ce cadre qu’est né le programme de science participative Vigie-Chiro. Son objectif ? Suivre et étudier les populations de chauves-souris durant leur période de chasse afin d’acquérir de précieuses données, tant sur la distribution des espèces à l’échelle nationale que sur leur activité propre. Grâce à un enregistreur à ultrasons, il est en effet possible de capter les signaux émis par les chauves-souris afin de repérer leurs proies et de s’orienter (on appelle ça l’écholocation). Chaque espèce émet une gamme de signaux variés, qui permet de les différencier entre elles. Ainsi, ces données associées à diverses informations (température, intensité du vent, milieu dans lequel l’enregistreur a été installé…) permettent un suivi très efficace de la diversité des chauves-souris à l’échelle locale.

Des résultats scientifiques basés sur les données renvoyées par les participantes et les participants

Le jeu de données ainsi obtenu offre aux scientifiques de précieuses clés de compréhension sur l’activité des différentes espèces de chauves-souris. Ainsi, un article récent rédigé par des scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle illustre parfaitement le fort intérêt des sciences participatives dans le monde de la recherche. Grâce aux données récoltées par l’intermédiaire du protocole Vigie-Chiro, près de 9800 nuits d’enregistrement sur 4400 sites ont été analysées entre 2014 et 2020. Cette étude met en lumière les différences dans l’activité de différentes espèces de chauves-souris tout au long de la nuit.

Trois groupes fonctionnels peuvent être mis en évidence :
-    Les espèces avec une activité constante tout au long de la nuit comme le murin à oreilles échancrées.
-    Les espèces avec un pic d’activité en début de nuit comme la pipistrelle commune.
-    Les espèces avec deux pics d’activité, un en début et un en fin de nuit, comme la noctule commune.

 

Activité relative de différentes espèces de chauves-souris (fréquence des cris) en fonction du pourcentage (en temps) de la nuit écoulée.

 

Ces différents types d’activité s’expliqueraient par un compromis évolutif entre la disponibilité des proies et la capacité à échapper aux prédateurs.

Des espèces comme la noctule ou la pipistrelle ont des pics d’activité en début et fin de nuit et sont plutôt des chasseurs de diptères (mouches et moustiques) particulièrement actifs à ces moments. Or ces chauve-souris sont rapides et agiles en vol ce qui leur permet d’être moins vulnérables aux prédateurs, également très actifs à ces moments.

Des espèces comme le murin à oreilles échancrées sont plus lentes et moins agiles mais sont moins vulnérables aux prédateurs car elles volent toute la nuit. Elles chassent surtout des papillons de nuit, également actifs toute la nuit.

Les scientifiques ont de plus montré, pour certaines espèces, une différence des pics d’activité en fonction des saisons. Ainsi, les chauves-souris semblent être davantage actives en fin de nuit durant la période estivale. Cela pourrait être expliqué par leur écologie : la période estivale coïncidant avec la période de lactation, les femelles ont donc besoins d’une quantité de nourriture plus importante, en plus des aller-retours réguliers pour aller allaiter leurs petits.