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Pour les bigorneau, la vie n'est pas un long fleuve tranquille

Classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979, le Mont Saint-Michel s’ensable d’années en années, probablement en lien avec la mise en service d’un barrage sur le Couesnon en 2008. Si la perte de son caractère insulaire est déjà un sujet en soi, les écologues s’inquiètent de plus en plus pour la biodiversité inféodée à la baie, en plein déclin. Malheureusement, c’est une situation fréquente que l’on rencontre un peu partout en France

Une équipe de chercheurs menée par Bruno Serranito du MNHN a publié en 2021 les résultats d’une étude qu’ils ont menée sur les données récoltées pendant 8 ans - de 2012 à 2020, par les participants au protocole BioLit le long de la côte nord-atlantique !

 

Commençons par le début : le protocole BioLit !

Créé et porté par l’association Planète Mer, BioLit est un programme de sciences participatives conçu pour permettre de répondre à des préoccupations scientifiques et environnementales sur l’évolution des habitats et des espèces du littoral. Cet observatoire est placé sous la responsabilité scientifique de la station marine du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) de Dinard, avec le soutien de nombreux partenaires et collectivités territoriales.

Sa déclinaison à destination des établissements scolaires, BioLit Junior, s’intéresse en particulier à l’observation des algues brunes et des bigorneaux ! Besoin d’une piqûre de rappel ? Eh hop, une vidéo de présentation.

 

Les côtes rocheuses, des écosystèmes à la fois reculés et menacés

Les côtes rocheuses sont des interfaces privilégiées entre les domaines marin et continental. En particulier, ces côtes abritent de nombreux gastéropodes, lesquels s'agrègent en communautés sédentaires particulièrement sensibles/réactives aux perturbations. Leur diversité, leur abondance et leur répartition à petite et grande échelles sont autant d’indicateurs reflétant bien l’état de santé général du littoral. C’est pourquoi les chercheurs les utilisent comme biomarqueurs pour mesurer les effets à court, moyen et long termes des activités humaines sur l’équilibre des écosystèmes. Par exemple, l’épandage de nutriments inorganiques pour l’agriculture intensive est à l’origine de pollution azotée, elle-même à l’origine des phénomènes d’eutrophisation des cours d’eau : les algues, qui se régalent de l’azote, prolifèrent tellement et si vite qu’elles asphyxient les autres organismes présents dans l’eau et à proximité ! On observe alors une perte de biodiversité, voire une extinction locale des espèces les plus sensibles.

L’étude menée par Bruno Serranito et son équipe s’intéresse aussi aux effets du déclin des algues brunes sur les communautés de gastéropodes. Ça tombe bien : le protocole BioLit ne se limite pas qu’aux bigorneaux, mais s’étend justement à ces algues qui, par facilitation écologique, leur apportent et le couvert et le logis ! On appelle facilitation la relation écologique dans laquelle une espèce (ici, les algues) permet ou améliore par sa seule présence les conditions de vie d’une autre (ici, les bigorneaux !). En effet, les algues apportent non seulement des nutriments aux gastéropodes, mais les protègent également de certains stress, comme le manque d’eau, la prédation, les températures extrêmes ou encore les vagues. Or, la quantité d’algues brunes semble diminuer depuis une vingtaine d’années…

 

Des données collectées à grandes échelles… pour expliquer des phénomènes plus locaux !

Les chercheurs ont utilisé les données provenant d’un peu plus de 2600 observations réalisées dans 55 sites entre 2012 et 2020. Ces observations ont été réalisées le long de la côte nord-atlantique, soit 1000 km, couvrant pas moins de 3 écorégions (la mer du Nord, la mer Celtique et la façade européenne sud-atlantique) !

En complément de ces données, les chercheurs ont sollicité divers organismes comme l’Ifremer et le CNRS pour obtenir des informations consistantes sur les concentrations locales d’azote inorganique.

En manipulant les différents indicateurs, les chercheurs ont réalisé que :

  • les changements à petite échelle sont les plus significatifs, ce sont eux qui impactent le plus “durement” la taille et la composition des communautés de gastéropodes (pour le nombre d’espèces de gastéropode, par exemple, les facteurs environnementaux qui ont le plus d’impact sont la nature de la ceinture algale et de la concentration en azote)
  • la réponse des communautés de gastéropodes à ces changements est surtout conditionnée par les exigences écologiques de chacune des espèces présentes, expliquant que certaines espèces comme Littorina littorea prolifèrent davantage tandis que d’autres espèces plus fragiles comme Steromphola umbilicalis et Steromphola pennanti déclinent
  • les principales menaces pesant sur les communautés de gastéropodes sont des menaces locales comme la pollution azotée ou la sédimentation excessive dans les estuaires (formations deltaïques au niveau desquelles les cours d’eau se jettent dans la mer, voir la carte ci-après qui montre très bien cette distribution très localisée !), en lien avec l’érosion des sols résultant de certaines activités humaines comme l’agriculture, l’urbanisation ou encore la mise en service d’un barrage.

Diversité des bigorneaux

Fig. 2 : Nombre d’espèces de gastéropodes par m². Cette carte est une modélisation pour toutes les côtes. C'est-à-dire que l’on a utilisé les données observées récoltées par les participants et que l’on a ensuite, à partir des données environnementales observées sur les côtes, calculé le nombre probable d’espèces pour chaque carré représenté sur la carte.

  • Ces menaces impactent également les communautés d’algues brunes, dont le déclin aggraverait celui des communautés de gastéropodes, sauf dans le cas de Littorina littorea.