Résultats scientifiques de Vigie-Chiro
Clémentine Azam, doctorante au Muséum, a cherché à évaluer l’impact de l’éclairage artificiel sur les chiroptères. Elle s’est également demandé si l’extinction nocturne (de minuit à 5 heures) serait une mesure efficace pour limiter ces effets.
La pollution lumineuse et les chauves-souris
La pollution lumineuse est générée par les éclairages artificiels dans un environnement nocturne. Les lampadaires génèrent une perturbation pour la faune (insectes, chauves-souris, humains…) et la flore. Cette forme de pollution concerne au total 20 % de la surface terrestre mondiale (avec une augmentation de 6% par an) et touche les milieux terrestres, aquatiques et marins !
En terme de conséquences pour la biodiversité, des études ont montré que la pollution lumineuse perturbe les rythmes journaliers et saisonniers de plusieurs espèces. Cette forme de pollution modifie les déplacements d’espèces car la lumière fragmente les paysages nocturnes.
Comme tout le monde le sait, les chauves-souris vivent la nuit ; cependant leur réponse à l’éclairage varie en fonction des espèces. Les espèces dites aériennes présentent un vol rapide et chassent les insectes en suspension dans l’air. Elles sont souvent détectées en train de chasser aux alentours des lampadaires. A une échelle locale, on aurait donc un effet positif du lampadaire qui attire une quantité considérable d’insectes. A contrario, un autre groupe d’espèces, appelé glaneuses, chasse plutôt en milieux encombrés et fermés (les forêts par exemple). Ces espèces cueillent les insectes qui sont posés sur des feuilles ou des branches. Leur vol étant plus lent, elles sont soumises à un risque de prédation plus important : elles semblent donc éviter les zones éclairées.
L’extinction nocturne (minuit à 5 heures) est-elle une mesure efficace pour limiter l’impact de l’éclairage artificiel sur les chiroptères ?
Tout d’abord, dans son étude, Clémentine a pu montrer que pour la Pipistrelle commune, l'éclairage semble favoriser sa présence : elle est deux fois plus fréquente que dans les zones non éclairées et éteintes une partie de la nuit.
Les murins semblent, en revanche, éviter les zones éclairées même partiellement (d’après les barres d’erreurs la différence n’est pas significative entre éclairage toute la nuit ou partiel).
Les oreillards semblent les seuls à profiter de mesures d’extinction des lampadaires. Ils chassent plus significativement là où les lumières s'éteignent. Ils profiteraient des insectes « groggy », immobiles sur le sol ou sur les parois des maisons, récupérant du "trop" de lumière. Des proies faciles en somme.
La période d'extinction des lampadaires entre minuit et 5 heures du matin n'a pas grand intérêt pour la plupart des espèces de chauves-souris. D’autres études semblent montrer qu’il serait plus efficace de les éteindre à partir de 23h.
Enfin, comme le montrent ces graphiques, la lumière produite par les lampadaires impacte les chauves-souris à une distance maximale comprise entre 10 et 25 mètres.
Ce résultat pose la question de la création de corridors écologiques suffisamment larges pour les espèces nocturnes en milieu urbain tout en respectant le sentiment de sécurité des habitants… Et à cette question, Clémentine n’a pas la réponse !
De nombreuses perspectives de recherche
Comme vous l'aurez compris, les chauves-souris sont encore assez méconnues pour une part importante d'entre-elles. En effet, le groupe des chiroptères est vaste et diversifié : à l'échelle mondiale, les chauves-souris représentent un cinquième des espèces de mammifères. Il est donc primordial de continuer la recherche en parallèle du travail de taxonomie, afin d'affiner nos connaissances vis-à-vis de leur écologie.
Certaines études permettent d'en savoir un peu plus sur les mœurs méconnues des chauves-souris européennes. Grâce à un jeu de données issu des protocoles Vigie-Chiro, une équipe de scientifiques du Muséum a réussi à séparer trois groupes fonctionnels de chauves-souris, grâce à leur activité vocale :
- les espèces avec une activité constante tout au long de la nuit
- les espèces avec un pic d'activité en début de nuit
- les espèces avec deux pics d'activité, un en début et un en fin de nuit
Activité relative de différentes espèces de chauves-souris (fréquence des cris) en fonction du pourcentage (en temps) de la nuit écoulée.
Ces différences trouvent leur explication par de nombreux facteurs biologiques et écologiques : disponibilité des proies, capacité à échapper aux prédateurs, saisonnalité, reproduction et allaitement des jeunes... On peut donc imaginer des réponses de ces différentes espèces bien différentes aux dérangements et aux pollutions anthropiques (agriculture intensive, lumière artificielle, éoliennes...).
Un déclin marqué des populations
À partir des données issues du protocole Vigie-Chiro entre 2006 et 2019, il a été possible de mettre en avant une tendance à la baisse inquiétante des populations de chiroptères en France. L'équipe de recherche a mis en relation un grand nombre de données concernant 6 espèces de chauves-souris, et a réussi à montrer des déclins plus ou moins importants des populations. Ainsi, la Sérotine commune a perdu près de 30% de ses effectifs en l'espace de 13 ans, tandis que la Pipistrelle de Nathusius a vu son abondance chuter de 46 % sur la même période. L'effondrement le plus inquiétant reste sans doute celui de la Noctule commune : avec une perte de 88 % de ses individus, elle est désormais classée "Vulnérable" sur la liste rouge française établie par l'UICN. Certaines espèces de chauves-souris semblent s'en tirer mieux que d'autres, comme la Pipistrelle commune ou la Noctule de Leisler, ce qui ne signifie pas non plus que leurs populations ne sont pas susceptibles d'être menacées. En effet, de nombreuses menaces pèsent sur les chiroptères : la pollution lumineuse comme vu précédemment, menace à laquelle s'ajoutent les pollutions liées aux produits phytosanitaires (insecticides, herbicides, fongicides) affectant directement les individus et indirectement leur nourriture, ou encore les collisions avec des pales d'éoliennes. Ces résultats n'auraient pas pu voir le jour sans la participation des nombreuses et nombreux bénévoles qui ont contribué au suivi de près de 7000 sites partout en France.
Positionner vos données
Les micros que vous avez placés ont enregistré les cris de chauve-souris. La fréquentation de l’emplacement du micro par les chauves-souris dépend de l’éclairage. Interprétez le nombre de cris enregistrés suivant la lumière.
Utiliser ce graphique :
Sur ces graphiques, pour chaque heure, positionnez vos points en fonction du type d’éclairage du site. La barre violette représente la moyenne des cris enregistrés, le rectangle correspondant quant à lui à 50 % des observations (le bord inférieur du rectangle marquant la limite de 25 % et le bord supérieur 75 % des observations).
Comprendre votre résultat :
Vous avez une activité conforme à 50 % des observations.
Vos résultats correspondent à la norme. Cette situation peut être transitoire soit vers une amélioration de l’activité des chiroptères soit vers une dégradation Continuez vos enregistrements pour le savoir !
Vous avez une activité supérieure à 75 % des observations.
Vous êtes dans une situation plutôt encourageante l’activité des chiroptères est plus importante qu’ailleurs ! Il y a probablement des aménagements proches qui favorisent les chauves-souris. De nouveaux relevés sont nécessaires pour confirmer cette tendance.
Vous avez une activité inférieure à 25 % des observations.
L’activité que vous avez mesurée est inférieure à celle que l’on observe habituellement. Cet état peut être dû à un facteur passager (météo par exemple) ou à des aménagements peu propices aux chauves-souris. De nouveaux enregistrements nocturnes permettront d’en savoir plus !