Deux organismes qui vivent ensemble et coopèrent : la symbiose du lichen

Les propriétés de résistance du lichen proviennent de la symbiose entre l’algue et le champignon : l’algue apporte la matière organique grâce à son activité photosynthétique tandis que le champignon apporte eau, sels minéraux et protection. En plus de la mise en commun de leurs capacités respectives, cette coopération permet de créer de nouvelles capacités, comme la synthèse de substances défensives. 

Imaginez le lichen comme une serre construite par le champignon et qui héberge les algues vertes. Le champignon leur fournit tout ce qu’il faut pour qu’elles produisent des sucres par photosynthèse : de l’eau (un peu de rosée, d’eau de pluie, de brouillard ou quelques flocons de neige), des éléments minéraux qu’il puise dans les poussières et des vitamines de sa production.


Parfois, le champignon vit avec des cyanobactéries plutôt que des algues vertes ce qui lui permet de récolter à la fois du sucre et des engrais azotés. Mais Il arrive aussi que la serre abrite à la fois des algues vertes et des cyanobactéries, mais dans ce cas, ces dernières sont hébergées dans des locaux séparés ; chacun chez soi ! Les chambres à cyanobactéries s’appellent des « céphalodies ».

Photographie de la cyanobactérie ''Hyella caespitosa'' trouvé dans le lichen « Pyrenocollema halodytes »
La cyanobactérie Hyella caespitosa trouvé dans le lichen « Pyrenocollema halodytes » | © Graham D. Schuster

Les lichens sont parfois soumis à des conditions environnementales extrêmement défavorables. Heureusement l'association symbiotique permet de surmonter ces épreuves : 

  • La lichen est brutalement soumis à un épisode de sécheresse ? Qu’à cela ne tienne, il se met au ralenti et cesse tout échange avec l’extérieur. Mais tout se remettra à fonctionner en quelques minutes à la moindre source d’humidité. C’est ce qu’on appelle « la reviviscence » : le thalle du lichen règle son degré d’humidité sur celui de l’atmosphère ambiante ; il fait sec, le thalle est sec ; il fait humide, le thalle est humide. Le lichen a un petit côté éponge !
     
  • Le soleil est trop agressif et risque d’abîmer les algues ? Le champignon déroule alors sur le toit une protection solaire de sa production ; certains lichens sont même capables de bronzer ! De même, par période de grands froids, la serre est mise hors gel car le champignon a prévu des antigels dans son équipement de survie.
     
  • Même en cas d'attaque par des micro-organismes ou des herbivores, le lichen sait se défendre. Il est capable de synthétiser des substances antibiotiques ou anti-herbivores et ainsi repousser ses prédateurs !

 

Photographie 'une pierre recouverte de lichens
Lichens sur une pierre en Islande | © Johann Dréo


Finalement on se contente de peu dans la serre lichen et surtout on est très économe. En effet, le champignon met en place une politique de l’eau très efficace : juste ce qu’il faut et aucune perte sur le parcours. Pas question non plus de gaspiller la nourriture, la croissance des algues est parfaitement régulée par notre jardinier. Ce mode de vie économe permet au lichen de vivre très longtemps. 


Ainsi, la coopération de l’algue et du champignon permet de maximiser les chances de survie en fournissant protection et ressources. Vivre c’est bien, mais il faut aussi perpétuer son espèce et donc se reproduire, et cela en toutes conditions. Là encore, les lichens ont développé différentes stratégies, détaillées dans le prochain volet : « Des modes de reproduction diversifiées pour maximiser les chances ».

Les lichens : une ménage à trois 

Cela faisait 150 ans que les scientifiques considéraient les lichens comme le résulta d'une symbiose entre un organisme capable de faire la photosynthèse (algue et/ou cyanobactérie) et un champignon. Mais une étude publiée en 2016 par des chercheurs de l'université du Montana révèle la présence de nouveaux organismes dans les lichens : des levures ! Les levures sont des champignons microscopiques constitués d'une seule cellule. 

Les chercheurs ont analysé l'ADN présent dans la couche externe appelée "cortex" de deux espèces de lichens. Les résultats révèlent non seulement la présence de l'ADN de l'algue et du champignon mais aussi d'une levure. Ils ont également constaté que la plupart des lichens étudiés sont associés à une levure d'une espèce différente à chaque fois. Enfin, c'est cette levure qui détermine en partie le phénotype du lichen. Cette découverte permet par exemple de comprendre pourquoi deux lichens constitués de la même algue et du même champignon peuvent avoir une couleur différente. Le rôle de ces levures restes toutefois largement à préciser.  

 

* Spribille et al., "Basidiomycete yeasts in the cortex of ascomycete macrolichens", Science, Vol. 353, no. 6298, 2016, p. 488-492.