Newsletter #49
Que nous disent les données Sauvages de ma rue

Étudiante en ingénierie agronome spécialisée en Data Science, Amélie Robinet a consacré son stage de fin de cycle aux effets de l’urbanisation sur les communautés de plantes. Pour cela, elle s’est appuyée sur les données récoltées depuis 2013 par les scolaires et le grand public dans le cadre du protocole Sauvages de ma rue. L’abondance de ces données permet en effet de dégager (voire de quantifier, quand c’est possible !) de bons indicateurs expliquant la présence ou l’absence de biodiversité dans un milieu, afin de proposer des aménagements adaptés ou encore d’engager des actions de prévention proportionnées.

Commençons par le début : le protocole Sauvages de ma rue !

Sauvages de ma rue est un projet de sciences participatives copiloté par Tela Botanica et le Muséum national d’Histoire naturelle. En prenant part à la réalisation d’un protocole simple, les participants apprennent non seulement à identifier et nommer les différentes es de plantes que l’on peut trouver en ville, mais sont également invités à s’interroger sur les facteurs favorisant (ou, à l’inverse, limitant) l’abondance et la diversité de ces espèces. C’est pour cela qu’il est indispensable d’adjoindre à tout relevé un certain nombre d’informations permettant de contextualiser le milieu d’étude : s'agit-il d’un espace vert, d’un tour d’arbre, d’un interstice urbain - comme une fissure ou encore une e ? Ainsi, les chercheurs déduisent de précieuses informations des données récoltées sur le terrain ! 

Pour en savoir plus, voici une petite piqûre de rappel vidéoludique : 

Lien vers vidéo de présentation de Sauvages de ma rue

En ville, les plantes sont-elles particulièrement dépendantes des insectes pollinisateurs ?

En tant qu’apprentie-chercheuse, Amélie a formulé plusieurs hypothèses ! La première étant, qu'en ville, il y a moins d’insectes pollinisateurs, les communautés de plantes y sont moins dépendantes pour se reproduire.

 

Graphique dépendance aux insectes pollinisateurs en fonction de l’abondance d’espaces naturels dans le milieu
Dépendance aux insectes pollinisateurs en fonction de l’abondance d’espaces naturels dans le milieu.

Ce graphique montre que la dépendance des espèces de plantes aux insectes pollinisateurs augmente avec la proximité et l’abondance des espaces naturels. Les villes, qui sont des milieux fortement perturbés, favorisent le développement, le maintien et la prolifération d’espèces moins dépendantes aux insectes pollinisateurs car ceux-ci y sont beaucoup moins présents qu’en milieu rural.

En privilégiant d’autres modes de reproduction et de dissémination, par exemple par anémochorie (dissémination des graines par le vent) dans les espaces les plus ouverts et donc les mieux ventilés, les communautés de plantes ont recours à ce que l’on appelle des stratégies d’adaptation : elles évoluent de manière à s’acclimater le mieux possible aux contraintes de leur milieu. En ville, ce sont les espèces les plus plastiques (ou rustiques), c’est-à-dire les espèces qui ont de moindres exigences en termes de besoin en eau ou en lumière, qui prospèrent le plus. Elles se maintiennent autrement, en adaptant leur métabolisme ou en recyclant l’azote de l’atmosphère (abondant en ville le long des gros axes de circulations) pour leur croissance. 
 

En ville toujours, existe-t-il des communautés d’espèces particulièrement représentatives de certains types de milieu ?

La seconde hypothèse d'Amélie était qu'il existe des communautés indicatrices de certains types d’espaces à l’échelle des communes. Cette spécialisation s’explique par une meilleure tolérance aux conditions du milieu (plus humide, moins de lumière, etc.) de telle ou telle espèce.

Une analyse statistique a été réalisée pour étudier le lien qui pourrait exister entre le taux de recouvrement du sol de chaque communauté et le type de milieu (une rue très arborée ou, au contraire, avec plus d'asphalte…). L’étude n’a cependant pas permis de conclure quant à l’existence de telles communautés indicatrices, notamment parce que les espèces qui prolifèrent en ville sont des espèces peu exigeantes sur le plan écologique.

Pas de panique : en sciences, l’absence de résultats est toujours un résultat ! Plastiques et homogènement réparties sur l’ensemble du territoire, ces espèces - souvent des annuelles, sont capables de s’adapter à des milieux fortement perturbés ou abandonnés, avec des taux de pollution atmosphérique importants. La mise en place de continuités écologiques, l’aménagement des trottoirs et la gestion raisonnée des parcs et jardins permet néanmoins de favoriser le maintien d’espèces parmi les plus fragiles ! 

Cependant, Amélie a pu montrer qu'en ville et dans les cours d’école avec pas ou peu d’espaces verts, les communautés de plantes sont donc moins dépendantes aux insectes pollinisateurs et peuvent persister en été lorsqu’il fait plus sec. Elles ont cependant un fort besoin en lumière et en azote. On suppose que ces besoins sont en partie satisfaits par les apports de la pollution azotée en ville, de même que par les larges trouées de lumière dans les grands espaces ouverts, comme les boulevards et les avenues. Les apports en eau seraient quant à eux facilités par l’aménagement des tours d’arbre. Ce ne sont pour le moment que des hypothèses !